Cliquer ici pour visionner la vidéo "Inside the Bruderhof" de la communauté anabaptiste Bruderhof aux USA, que j'ai eu la chance de visiter, et pour poser vos questions à Laura.
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Au milieu des différents mouvements de la Réforme du 16e siècle, le mouvement anabaptiste est né de la « Réforme radicale » et aussi bien en Suisse, qu’au Pays-Bas et au sein du Saint-Empire germanique. Ils regroupent les mouvements chrétiens amish, huttérites, mennonites, bruderhof et bien d'autres. Le mot « anabaptiste » signifie « rebaptiseur », ce qui soulève d’emblée la question de la légitimité d’un second baptême si une personne en a déjà reçu un dans son enfance, comme l’Empire Romain l’exigeait. Mais est-ce là la seule problématique que l’anabaptisme génère au milieu de la Réforme protestante ?
La question d’un deuxième baptême (baptême d’adulte) a suscité de grandes polémiques, car remettant nécessairement en question la pertinence du baptême d’enfants, chose pourtant sacrée dans tout l’Empire Romain car c’est ainsi que ce dernier a pu s’assurer de maintenir et d’augmenter son contingent de chrétiens tout au long des siècles de son règne (depuis le Concile de Nicée en l’an 325). Le baptême d’adulte questionne donc aussi la clé de voûte du pouvoir de l’Eglise romaine, de l’Empire même, et menace de faire écrouler l’édifice de ce pouvoir séculaire.
Un deuxième aspect « intolérable » du mouvement anabaptiste est sa non soumission à l’Etat, ce qui lui vaut d’être rangé dans les mouvements de « Réforme radicale ». En effet, Zwingli, lui, exprime et exige une haute opinion de l’Etat chrétien. Il suit l’idée d’une hiérarchie de pouvoir terrestre (temporel) alors que les anabaptistes n’acceptent que la hiérarchie céleste (de Dieu, spirituel) et n’alimentent aucune relation avec l’Etat. Ils ne sont donc pas contrôlables et ce point représente ainsi la plus grande des menaces que le mouvement porte en lui.
Troisièmement, relevons encore le fait que les anabaptistes ne pratiquent pas les célébrations liturgiques excepté la prière du Notre Père que le Christ a laissé, et ne se dotent donc pas de parures et d’habits qui distinguerait un prêtre du reste des membres de la communion. Pas de formule, pas de forme, une soif de vivre l’évangile dans son essence et son essence seule, cette approche fait peur au mastodonte étatique et ecclésiastique.
Dans les confessions de Schleitheim, rédigées par l’anabaptiste Michaël Sattler en 1527, qui deviendront par la suite le texte de confession de foi du mouvement, il est aussi question de la non violence, sujet sensible pour les contemporains du 16 siècle qui ne pouvaient compter sur l’anabaptiste pour rejoindre ni la révolte physique du côté de la Réforme, ni rejoindre les guerres de conquête impériale de l’autre. Cette non violence se retrouve également dans la prohibition à la punition de mort ou de châtiments physiques : « seule l’exclusion (bann) est employée pour avertir et séparer celui qui a péché »[1].
En conclusion, nous pouvons dire que le mouvement anabaptiste secoue les idées des réformés comme des adeptes pontificaux de manière hétéroclite. Il ne s’en cantonne pas seulement à l’aspect du baptême, et ne porte donc pas parfaitement ou complètement son nom. La force de partage et de vie communautaires de ce mouvement, son aspect écologique, non violent, apolitique, privilégiant l'autosuffisance et la consommation et production locales, exempt de hiérarchie verticale entre les membres (en théorie en tout cas), sauvegardant le lien à la terre et aux racines mais ouvert également, pour la plupart de ces dénominations, à l'universalité et au monde, nous offrent certainement de grandes clés de compréhension et de solutions pour notre actualité de crise individuelle, psychologique, écologique, économique, sociale et sociétale.
Bibliographie [1] Michael Sattler, Confession de Schleitheim, 6e article, d’après Baecher, op. cit., p. 63-65
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