« Parler de » Dieu implique d’abord de préciser ce que l’on veut signifier par « parler » ou « nommer » Dieu. Si l’on considère que la parole est une manière de désigner et de représenter à soi et à l’autre ce que l’on s’imagine ou perçoit de Dieu, cette parole est donc quelque chose qui essaie de témoigner, de révéler de ce que l’on pense ou de ce que l’on sent de Dieu. Nommer Dieu est une possibilité qui se concrétise à chaque mot, acte (selon Ludwig Feuerbach), émotion et pensée que l’on a lorsque l’on est mû de l’intérieur par Dieu. Dieu ne peut être nommé de l’extérieur, et est toujours nommé lorsqu’Il/Elle agit à travers nous par son amour.
Le mot est un pouvoir « théophanique et performatif » (Walther Zimmerli) qui peut soit libérer, soit emprisonner. Il libère et révèle à chaque fois qu’il émane de notre amour intérieur insufflé par Dieu, et il emprisonne à chaque fois que cet amour n’est pas.
Ce n’est pas le mot qu’il faut chercher, c’est l’amour qui dit ce mot qu’il faut chercher.
Ce mot sera toujours changeant - l’être humain ne peut jamais « fixer » le nom de Dieu - en fonction de ce qui doit être dit pour l’harmonie du moment et du contexte (comme l’improvisation d’un soliste dans un orchestre), mais cet amour reste éternellement inchangé (l’orchestre divin qu’est la vie éternelle). Ce « nom » de Dieu ou le « parler » de Dieu ne sont pas possibles objectivement (« Dieu-concept », « Dieu-idole », « Dieu-chose » selon Jean-Luc Marion), ni subjectivement, mais ils se manifestent lorsqu’il y a une relation entre dire et écouter, et entre écouter et dire. Parler de Dieu ne peut se faire qu’en émanation du silence de Dieu. C’est une relation entre le silence et la parole, entre la contemplation et l’action. Ainsi, parler de Dieu implique l’entièreté de ce qui fait l’humain, car l’humain - et toute créature vivante - est, en son essence, le parlé de Dieu. Non seulement par son langage mental des mots, mais par son langage affectif, spirituel, et corporel.
Lorsque le mot sort du silence de Dieu, il nomme toujours Dieu. Lorsque l’acte sort de l’amour de Dieu, il nomme toujours Dieu. Dieu ne peut être nommé par le mot vide de cet amour. Ce n’est pas un mot qui désigne un « objet », mais qui vit une relation, une rencontre (voir LaCocque et Zimmerli). Dieu ne peut être confiné en un mot. L’amour remplit tous les mots du Mot de Dieu. L’amour transforme tous les noms en Nom de Dieu. Il évite autant l’univocité que l’équivocité dans le parler. L’amour est cette « incarnation du Verbe et l’effusion du Saint-Esprit, pour que devienne vrai [pouvoir performatif de la parole] ce que nous disons » (Karl Barth). Pour Barth, « Dieu se sert de nos mots et de toutes nos productions comme autant d’instruments pour communiquer ». Lorsque l’on est dans ce silence de Dieu, dans l’« ici et maintenant » (hic et nunc), tous les mots parlent de Dieu, et tous les mots nomment Dieu. Tous les mots parlent du monde, et le monde entier est dans nos mots. Bien plus que les mots, tout notre être, mental, spirituel, émotionnel et physique, « parlent » de Dieu. Le nom de Dieu est dans chaque mot que l’on prononce depuis cet amour de Dieu. Mais avant cela, il est dans le silence duquel ces mots émergent.
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